En effet, les archives dites traditionnelles ou papier offrent des informations différentes. Les registres d’écrou et les rapports de police, indispensables pour l’histoire carcérale, donnent uniquement les informations entrant dans un canevas précis lié plus facilement au caractère quantitatif et statistique de l’analyse historique. Donc, des nuances et des détails sont omis, impossibles à trouver ailleurs, que l’histoire orale permet de découvrir[1].
En outre, le choix des enjeux et la manière d’associer des thématiques entre elles afin de formuler des questions claires et pertinentes s’avèrent être des tâches essentielles en histoire orale. Le sujet d’étude étant humain, celui-ci apporte aux recherches un caractère singulier, mais surtout plus intime. D’une manière plus générale, la perception unique du sujet source est donc à la fois un élément nécessairement handicapant pour une recherche objective et d’une autre part bonifiant d’un point de vue humain. Le caractère unique du témoin, dans sa manière de raconter l’histoire de la prison, permet finalement d’appréhender celle-ci sous des yeux différents, certes, mais surtout symbiotique de ce qui a pu se passer à son époque, ce qui fait de l’histoire orale un atout important.
Un projet circonscrit dans le temps limite l’accès à une grande quantité de témoignages pour éviter de demeurer dans l’anecdotique ou la vision tunnel. Malheureusement, nous n’avons pu corroborer les propos de notre témoin[2] ni les comparer à une tendance. C’est sur ce point que les sources journalistiques précédant l’époque de notre témoin ont joué un rôle de pont entre l’histoire récente et le passé. Cette association propose une évolution dans le temps d’enjeux précis. C’est pour ces raisons que l’histoire carcérale a été analysée sous l’angle de l’évolution de la criminalisation des femmes, l’influence de la ville sur les évasions et l’impact sur les conditions de vie carcérales de la surpopulation en milieu carcéral.
À la lumière de cette expérience, l’apport de l’histoire orale, malgré les critiques qui lui sont souvent adressées[3], demeure bien réel. Notre témoin, par sa générosité et son regard humaniste, a redonné vie à la prison Winter.
[2] Ibid., p. 37.
[3] Michel Racine, « Quelle place peut prendre le chercheur dans l’interprétation du sens… du sens donné par les acteurs sociaux auprès de qui il fait sa recherche? », Recherches qualitatives : les questions de l’heure, n° 5, 2007, p. 112.
THOMPSPON, Paul. The voice of the past: Oral history. Oxford, Oxford University Press, 2000, 3e édition (1978), 368 p.
BURRICK, Delphine. « Une épistémologie du récit de vie ». Recherches Qualitatives, n° 8, 2010, p. 7-36.